VOL. 12 (1) | HIVER 2012

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Table des matières

In Memoriam Michael Dummett (1925-2011)
DAVID ROCHELEAU-HOULE

Dossier : Quelle place pour la religion dans l’espace public d’aujourd’hui ?

L’articulation des droits : égalité des sexes et liberté de religion au Québec
ÉRIC SÉVIGNY

Les limites de la délibération : implications institutionnelles du remaniement des normes délibératives
ANTOINE VERRET-HAMELIN

Commentaires

Günther Anders et Martin Heidegger. Penser la technique au temps de la mort du sujet : généalogie d’une impuissance pratique
UGO GILBERT TREMBLAY

Intuition et finitude dans la lecture heideggérienne de Kant
MARIA HOTES

Perspectives épistémologiques sur la réalité de la nation : pourquoi ne juge-t-on pas le nationalisme comme un oiseau ?
ÅSBJØRN MELKEVIK


Quelle place pour la religion dans l’espace public d’aujourd’hui ?

À l’heure de la migration internationale de grande envergure et du multiculturalisme grandissant, de vives discussions s’engagent à propos de situations où s’entrechoquent les mœurs religieuses et civiles. Dans les dernières décennies, plus particulièrement au Québec, les débats se sont principalement cristallisés autour des accommodements raisonnables et de l’enseignement religieux dans les écoles. Or, ces considérations s’enracinent dans des questionnements plus fondamentaux, et dès lors plus proprement philosophiques, sur des thèmes tels que l’identité, la laïcité, le pluralisme et le pouvoir de la raison. Ces questionnements font s’entrecroiser la philosophie politique, la philosophie du droit et l’épistémologie en un terrain d’enquête philosophique dont le défrichement n’est jamais terminé. C’est en espérant pouvoir répondre à quelques unes de ces questions fondamentales que les textes du présent dossier proposent l’examen de la place de la religion dans la sphère publique contemporaine.

Deux auteurs nous présentent des réflexions qui traitent d’aspects différents du problème. Éric Sévigny tente de répondre à l’épineux problème de l’articulation entre les deux droits que sont le droit de liberté de religion et le principe de l’égalité des sexes. L’auteur cherche à défendre que ces deux droits essentiels pour toute société démocratique libérale ne sont pas a priori incompatibles et mutuellement exclusifs. De cette façon, plutôt que de les hiérarchiser et ainsi restreindre, dans la résolution de certains litiges concernant des questions religieuses, la liberté de culte au nom de l’égalité des sexes, l’auteur propose que la liberté de religion peut promouvoir et protéger l’égalité des sexes. Dépassant les simples considérations juridiques, cet article mène la réflexion sur le droit aux valeurs et idéaux qui sous-tendent ce dernier, et propose une perspective où la conciliation prévaut contre la confrontation, sans que l’émergence de nouvelles difficultés ne soit négligée.

Pour sa part, Antoine Verret-Hamelin revisite le modèle «classique» de la démocratie délibérative, entre autres celui de Rawls et Habermas, et en souligne certaines limites. L’auteur propose ainsi une redéfinition de ce qui peut être légitimement inclus dans le débat public. Selon lui, le modèle délibératif de la démocratie ne devrait pas exclure certains types de discours non argumentatifs, tel que le discours religieux. Toutefois, cette inclusion de discours non argumentatifs rend plus difficile la création d’un consensus entre les citoyens, ce qui pose la nécessité d’en arriver à un métaconsensus permettant aux partis de s’entendre sur ce qui doit réguler la délibération elle-même. Mais voyant encore plus loin, l’auteur identifie la limite ultime de ce modèle de démocratie, et une possible solution: la délibération doit être régulée par des mécanismes institutionnels pour ne pas entraver indéfiniment la prise de décisions, et ainsi paralyser l’appareil politique.

JOËL BEGIN
DAVID ROCHELEAU-HOULE