VOL. 8 | HIVER 2008

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Table des matières

Commentaires

Le point de vue moral dans la philosophie éthico-politique de Richard Rorty
PIERRE-LUC DOSTIE-PROULX

Reconnaître le Québec ? Le Québec à l’aune des théories contemporaines de la reconnaissance
LOUIS-FRANÇOIS BRODEUR

La triade CurareTentatioMolestia : pour une interprétation heideggérienne du livre X des Confessions de Saint-Augustin
MARTIN ARRIOLA


Sommes-nous les héritiers des Lumières ?

Le projet des Lumières est avant tout un idéal de liberté et d’individuation, une volonté de recommencement radical, de refondation de l’activité humaine sur la base de la Raison. Un tel projet, en lui-même ouvert, pluriel, et sous-tendu par l’idéal de l’Homme en progrès, s’incarne dans les domaines politique (par la promotion de la démocratie et du libéralisme par exemple) et scientifique (notamment dans les pensées empiristes, sceptiques, et dans le développement de la physique), mais interroge également la tradition morale et l’organisation sociale. Le sapere aude kantien jette incidemment les bases de la modernité ; modernité qui est aujourd’hui à la fois célébrée et critiquée, voire, selon certains, déjà dépassée. Notre situation actuelle nous amène donc à questionner notre rapport aux Lumières. Ces dernières cherchaient à dépasser la tradition, voire à s’y soustraire, ainsi cherchaient-elles à se définir elles-mêmes. Mais la question « qu’est-ce que les Lumières ? » qui se posait au XVIIIe siècle devient pour nous aujourd’hui « sommes-nous les héritiers les Lumières ? », à savoir : que nous reste-t-il de leur idéal, de leurs thèmes ? Que penser de leur pertinence : la situation actuelle peut-elle encore être analysée et comprise dans le cadre de la pensée des Lumières ? Nous sommes nous éloignés des Lumières ? Si tel était le cas, devrions-nous y revenir ?

S’intéressant dans leur article à l’évolution du matérialisme moderne, MATHIEU AURY et CHARLES T. WOLFE constatent une discontinuité dans le legs des Lumières. La transformation et le repositionnement des sciences depuis la Renaissance ont contraint les penseurs matérialistes à continuellement revoir leurs fondements conceptuels, posant de ce fait l’épineuse question des rapports entre philosophie et sciences. Abordant de front la question du dossier, FILIPPO PALUMBO affirme pour sa part que si les Lumières nous ont légué un héritage, il s’agit d’un héritage vide, qui confine à l’absence, à l’aliénation et finalement à l’angoisse. Le sujet kantien est l’irruption d’une discontinuité : la réflexion sur soi demandée au sujet opère en lui une scission, l’enferme en lui à la recherche d’une unité à soi qui ne serait jamais réalisée. À la recherche de soi, le sujet ne trouve rien. Les Lumières signifieraient alors, en tant qu’elles nous engagent dans la recherche des fondements, une perte des fondements. Les auteurs des deux derniers articles du dossier se penchent plus particulièrement sur l’héritage politique des Lumières. D’abord, MICHEL ESDRAS FRANCK MIAMBANZILA analyse la conception de la loi chez Rousseau pour en montrer la pertinence dans le cadre de nos démocraties modernes. Il affirme que cette conception, émergeant de l’esprit des Lumières, a su par sa richesse influencer la théorie politique et qu’elle a encore à y apporter, qu’elle peut encore être le levier de réformes. Finalement, JULIE PAQUETTE aborde à travers la pensée républicaine du Marquis de Sade la question des rapports de l’Homme avec la tradition, la nature, la raison et autrui. Elle montre comment Sade fait sien l’idéal des Lumières, mais tout en le réinterprétant, le radicalisant et le corrigeant, dévoilant ainsi le dynamisme qui devrait se trouver à la base de toute institution. Idéal en mouvement, pensée de la refondation, l’héritage sadien mériterait selon elle d’être réclamé par la pensée politique contemporaine.

DOMINIC CLICHE
JULIEN DELANGIE